La perte d’un chien, d’un chat ou de tout animal de compagnie est une épreuve. Mais avez-vous déjà pensé à ce que vous ferez quand votre compagnon viendra à mourir ? En pleine expansion, la crémation animale individuelle offre la possibilité aux propriétaires de dire dignement adieu à leur compagnon et de reprendre leurs cendres avec eux.
Lorsque vient le moment difficile de faire ses adieux à votre animal de compagnie, une question se pose : que faire de sa dépouille ? Serez-vous tenté de l’enterrer dans votre jardin, d’opter pour un cimetière animalier, de le laisser partir à l’équarrissage ou bien choisirez-vous la crémation ? Et si vous optez pour cette dernière, préférez-vous une incinération collective ou individuelle ? En Wallonie, il existe quatre centres qui s’en occupent, dont Pro Animali, à Froidchapelle, dans le Hainaut. Ici, ce ne sont pas moins de 25 animaux qui sont incinérés tous les jours, explique Réginald Requer, à la tête du centre funéraire animalier familial. Encore marginale il y a dix ans, la crémation animale a pris une ampleur inattendue. « Dans notre centre, on incinère maintenant plus de 5 000 animaux par an. précise-t-il. Les mentalités ont beaucoup évolué. Avant, on laissait l’animal chez le vétérinaire sans trop se poser de questions. Maintenant, les gens désirent offrir un vrai adieu à leur animal, comme pour un membre de la famille. »
UN MARCHÉ EN PLEINE ÉVOLUTION
Dans les salons de Pro Animali, le silence est de rigueur. Les propriétaires retrouvent leur compagnon dans un panier, comme endormi, dans des salons de recueillement. « On laisse les familles prendre le temps qu’il leur faut », souffle-t-il. L’animal est ensuite incinéré, et les cendres sont remises dans une urne choisie avec soin par les maîtres. « L’incinération, en tant que telle, dure entre 30 minutes et 1 h 30, mais l’ensemble du processus, de l’accueil à la remise des cendres, prend entre deux et quatre heures. » Si certains attendent sur place (mais l’odeur peut-être importante lorsque les températures augmentent), d’autres vont se promener aux alentours, dit-il. Le lac de l’Eau d’Heure étant à quelques minutes du centre.
LE CHOIX DE L’URNE
Les cendres sont ensuite remises dans une urne choisie par la famille. « Il y en a pour tous les goûts et tous les budgets. Le plus important, c’est que les familles se sentent en paix avec leur choix. » Il suffit de jeter un œil aux étagères du crématorium pour comprendre que le marché des urnes et objets commémoratifs est en pleine effervescence. Ici, une urne en céramique minimaliste, là une urne de la forme d’un chat noir, puis d’une niche. « On voit de tout, des urnes classiques aux œuvres d’art en passant par des bijoux contenant des cendres ou des poils de l’animal, ou encore les empreintes des pattes en résine. » Loin d’être de simples contenants, ces objets se sont transformés en souvenirs parfois très précieux. Car si les modèles les plus simples sont proposés pour environ 45 €, les versions plus sophistiquées peuvent atteindre 500 €, voire davantage.
UN MÉTIER PAS COMME LES AUTRES
Outre l’aspect technique, travailler dans un crématorium animalier, c’est aussi savoir faire face à des situations émouvantes, parfois déconcertantes. Reginald et son équipe sont à l’occasion confrontés à des demandes inhabituelles, comme celle d’embaumer un chien, service qu’ils ne proposent pas. « Il faut savoir écouter sans juger. Chacun vit le deuil à sa manière, et notre rôle est de répondre au mieux aux attentes, aussi surprenantes soient-elles », confie-t-il. Et de se souvenir de la présence d’un prêtre accompagnant une propriétaire ou de ce groupe de vingt personnes venu dire adieu au chien du père décédé. « J’avais aménagé un espace spécial pour accueillir tout ce groupe. Généralement, c’est la famille proche de l’animal, les parents et les enfants, qui vient. » Et puis, il y a eu aussi cette dame désirant suivre toutes les étapes d’incinération de son chien. « Nous n’acceptons pas qu’elle nous accompagne, mais nous lui avons montré une photo, car elle y tenait vraiment… » Le jour de notre visite, un furet attendait patiemment sa famille pour le dernier au revoir. « Lapins, furets, serpents… Certains nous appellent pour des chèvres, des moutons. Pour des raisons d’infrastructure, on n’accepte pas les animaux au-dessus des 100 kg. » Et puis, il y a également eu des animaux plus exotiques, comme un bébé hippopotame venant d’un zoo.
Les photos des animaux dé[1]cédés, installées dans les paniers, sont publiées sur la page Facebook du groupe. De quoi surprendre certains, mais de quoi surtout répondre à une demande des propriétaires, dit-il. « Un jour, j’ai posté une photo d’un animal pour montrer comment on travaillait. Mais je ne m’attendais pas à un tel engouement. Aujourd’hui, les gens y postent des messages de condoléances, partagent des souvenirs de leur animal. C’est devenu une véritable page de commémoration. »
LES COÛTS
Bien sûr, tout cela a un coût, Selon le crématorium choisi, les prix varient en fonction du poids de l’animal et des services choisis. Ici, comptez 65 € pour un NAC, 370 € pour un chien de 90kg. Mais il ne faut pas oublier les frais de transport (si l’animal est récupéré à domicile ou chez le vétérinaire) ni le prix de l’urne. Pour une solution plus économique, les propriétaires peuvent opter pour la crémation collective, qui ne se déroule alors pas dans le bâti[1]ment de Pro Animli. « On est à 75 % de dépouilles qui partent en collectif, ce qui coûte environ 50 € » précise Réginald. Ce choix, évidemment, est personnel et dépend de la manière dont chacun envisage ces adieux. « Certains se disent qu’ils ont tout fait pour leur animal jusqu’au bout, mais qu’ils ne ressentent pas le besoin de garder les cendres dans une urne ou de les disperser et préfèrent laisser l’animal partir dans un cadre collectif. »
UNE AVENTURE FAMILIALE
Si le crématorium a ouvert ses portes en 2020, l’histoire de Pro Animali commence bien plus tôt, avec les parents de Réginald, lassés de voir « les dépouilles de leurs chiens emportées de façon indigne, se rappelle-t-il. Mes parents avaient beaucoup de chiens. À l’époque, à leur mort, le clos d’équarrissage passait : les gros animaux étaient pris avec un grappin ; les petits étaient jetés dans le camion. Et il n’y avait pas vraiment d’autres solutions et c’était difficile à voir. » Alors qu’il travaille dans le secteur des assurances funéraires, son père décide de lancer son entreprise pour offrir une fin de vie plus respectueuse aux animaux de compagnie. « Il s’est dit que si on faisait les choses bien pour les êtres hu[1]mains, pourquoi ne pas y penser pour les animaux ? ». Modestement, d’abord, avec une camionnette et trois cercueils fabriqués par un menuisier local, la petite entreprise familiale prends tout doucement de l’ampleur et le service trouve son public. Les vétérinaires de la région de Charleroi commencent à faire appel à eux, séduits par l’idée de proposer une alternative plus humaine à leurs clients. « On a remplacé les cercueils par des housses. De cinq chiens par semaine, le nombre a augmenté pour atteindre les 60 à 100 par jours qui partent toujours dans un système collectif de crémation. » Et puis, l’offre individuelle apparaît quelques années après. « Tout comme chez l’humain, la crémation a pris de l’ampleur et les propriétaires désiraient ramener les cendres de leurs animaux à la maison. On devait donc leur offrir une incinération individuelle. » Après avoir travaillé avec plusieurs centres un peu partout en Belgique, c’est en 2016, avec l’achat du bâtiment actuel, que l’entreprise prend un véritable tournant. « Ce projet, j’y pensais depuis 10 ans, mais il fallait trouver l’en[1]droit, avoir les autorisations… » Pas évident. Le crématorium démarre le 1 er janvier 2020, et l’équipe grandit au fil des années. « Des journées, comme aujourd’hui, où un ouvrier est malade, toute l’équipe met la main à la pâte. On est multifonctions », explique Réginald. Outre la crémation individuelle, Pro Animali assure plusieurs autres missions. « Notre activité principale reste l’enlèvement des dépouilles chez les vétérinaires, c’est ce qui fait le fondement du service. » L’entreprise collabore avec environ 600 vétérinaires en Wallonie et gère également la crémation collective pour les animaux, ainsi que l’incinération individuelle pour chevaux, en partenariat avec un crématorium situé en région bruxelloise. La société intervient également pour récupérer les dépouilles des animaux tués sur la voie publique.