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Les idées reçues ont la peau dure

Entre fascination morbide et clichés tenaces, la médecine légale intrigue autant qu’elle dérange. Derrière les fantasmes de séries télé et les idées reçues bien ancrées, des professionnelles racontent un quotidien fait d’écoute, d’empathie… et de bottes en forêt.

Non, les médecins légistes ne travaillent pas dans des frigos. Non, ils ne sont pas « tous gothiques », « dépressifs » ou en train d’écouter du métal à la lueur d’une bougie noire. Et non, ils ne détestent pas les vivants.

« On nous décrit souvent comme des gens très sombres, alors qu’au contraire, c’est un métier très social, insiste Jessica. Nos patients vivants sont des victimes, parfois très seules. On est parfois la première personne à vraiment les écouter. »

Mélanie renchérit : « Certains pensent qu’on est là parce qu’on n’aime pas les vivants, et que c’est plus simple avec les morts. Alors qu’en réalité, c’est l’inverse : il faut être particulièrement sensible à la détresse humaine, et donc très sociable quand on travaille en médecine légale. » Il y a aussi toute la coordination avec les autres acteurs du secteur : juristes, policiers, enquêteurs…

Odeurs, blouses et clichés de cinéma

Et l’odeur, alors ? Celle qu’on imagine, qui colle à la peau ? « L’odeur de la putréfaction… oui, c’est comme une poubelle restée trop longtemps au soleil », explique Jessica. Mélanie, technicienne en salle d’autopsie, ajoute : « Mais on s’y fait. »

Du côté de la tenue, on oublie la blouse blanche immaculée : « Ça tâche, je préfère le noir », sourit Jessica. Pas de costume de série télé non plus pour les médecins légistes : « On est habillées en civil, donc nos vêtements de tous les jours. En hiver, j’ai des gros pulls et des sous-vêtements thermiques, parce qu’on se retrouve souvent dehors, sous la pluie ou dans le froid. J’ai aussi des bottes pour aller en forêt. Les talons aiguilles, par contre, j’évite au boulot (sourire). »

Quant à la morgue, ce ne sont pas des caves sombres éclairées par une ampoule pendue au plafond juste au-dessus du corps : « On ne verrait rien. Il faut de la lumière pour travailler », tranche-t-elle.

Humour noir, mais pas macabre

Reste l’humour. Noir, forcément. Mais jamais dirigé contre les patients, assurent-elles. « C’est notre manière de garder de la distance, de tenir », dit Jessica. Avant de tenter un clin d’œil : « On n’est pas des croque-morts… mais on croque la vie. » Noir, on a dit ; pas forcément hilarant.

Caroline Beauvois