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Là où naissent les cercueils

Direction Gand, dans les entrailles du fabricant de cercueils Funico, où derrière chaque cercueil se cachent des choix réfléchis des défunts et des familles, mais aussi des gestes minutieux et un savoir-faire.

Dès 6 h 30, Stijn Defever est sur site. Le temps de saluer les membres de ses équipes, dont certains s’animent déjà au rythme des scies et des ponceuses, des allées et venues des camions. Nous sommes à Drongen (Tronchiennes en français), en périphérie de Gand, sur l’autoroute de la mer. C’est ici qu’un certain Kevin de Bruyne est né ; ici aussi qu’un tout nouveau pont trop étroit a été inauguré cet été, où se croisent tous les jours des centaines de véhicules en provenance de la zone industrielle, dont certains sont remplis à ras bord de cercueils. Nous sommes dans l’entreprise Funico, là où se fabrique un cercueil sur deux en Belgique.

DU BOIS BRUT MINUTIEUSEMENT SÉLECTIONNÉ

« Nous avons dû trouver un nouveau hangar, nous manquions de place », nous glisse Stijn en nous emmenant non loin de la maison-mère, dans un espace où se déclinent les planches de bois sous toutes les essences. Ici, du chêne, là du peuplier ou même du pin… « Il y a encore quelques années, un cercueil en pin aurait été inconcevable, mais les goûts et les tendances évoluent, dans la même lignée que les meubles de nos maisons. Les couleurs claires et naturelles sont d’ailleurs très à la mode en ce moment. On suit l’évolution de la décoration d’intérieur. Avant, tout était en chêne foncé. Aujourd’hui, les familles veulent des teintes plus douces, plus modernes », observe Stijn Defever. D’ailleurs, pas question de travailler avec n’importe quel bois. La sélection se fait dès les forêts de chênes et peupliers notamment, en Belgique ou ailleurs comme dans les étendues de forêts nord-américaines. Alors qu’un premier tri est d’emblée réalisé devant nos yeux, en suivront trois autres qui permettront de choisir les plus belles planches, celles qui recouvriront le haut des cercueils. « Nous faisons quatre sélections de bois avant même de commencer à assembler un cercueil, explique Stijn Defever. Le choix du bois est primordial. Pour les cercueils vernis à l’eau, où le bois est laissé à nu, seules les planches les plus belles sont utilisées. » Car dans l’univers de la confection de cercueil, le client est roi et bien plus difficile que lorsqu’il s’agit d’acheter un meuble, dit-il. « C’est normal : c’est la dernière demeure, il faut que ça soit parfait. » Les machines à découper, poncer et angler entrent en scène, sous les yeux vigilants des ouvriers. Alors qu’un bras robotisé s’active automatiquement devant nous, juste après un opérateur rebouche consciencieusement à la main les imperfections à l’aide de pâte à bois. Plus loin, de nouveau, toutes les planches sont observées, découpées et triées sous l’œil expert d’un autre, avant d’être assemblées. La structure du cercueil prend doucement vie devant nos yeux, mais c’est dans un autre bâtiment, où nous emmène Stijn, que l’assemblage prend place. Car c’est ici, juste à côté des bureaux, que les cercueils prennent véritablement forme. On devine déjà, ici, les contours élégants des cercueils plus traditionnels, là le minimalisme et traits droits des cercueils plus actuels. Contrairement à l’idée reçue que les cercueils seraient des objets standardisés, chaque détail est pensé en fonction des attentes des clients, selon une gamme de produits particulièrement étoffée.

DES CERCUEILS PLUS ÉCOLOGIQUES

Design, moderne, classique, luxueux ou encore personnalisé et écologique… « Le secteur funéraire n’échappe pas aux tendances, sourit Stijn Defever. Avec la montée en puissance des crémations, on observe aussi une demande croissante pour des cercueils plus écologiques, surtout aux Pays-Bas, où ils ont une longueur d’avance en la matière. » De quoi développer toute une gamme écologique, évidemment, pour répondre à la demande. « En 2017, nous avions lancé un modèle écologique. Et maintenant, cela représente presque 10 % de notre vente totale. » Parmi la sélection, on retrouve des cercueils en peuplier, en bambou, feuilles de bananiers « qui poussent vite mais loin ». L’entreprise a également lancé des cercueils en lin au Pays-Bas… Mais c’est « l’Ancona Peuplier qui reste notre cheval de bataille en termes écologiques. C’est un bois léger et local, qui pousse rapidement et est renouvelable. Nos forêts sont contrôlées, labellisées FSC. Cela signifie qu’à chaque arbre abattu, un autre est replanté. Et puis, quand on parle de durabilité, il faut aussi prendre en compte l’impact en CO2 du transport. Par ailleurs, le processus de combustion du peuplier est aussi plus propre, consomme moins de gaz et réduit les émissions de produits chimiques.

PERSONNALISATION À LA DEMANDE

Outre l’évolution vers des matériaux plus écologiques, certains clients recherchent également des produits personnalisés, dit-il, en nous enseignant le configurateur en ligne permettant de sélectionner la couleur, le type de bois et d’ajouter des motifs ou des photos sur le cercueil. « Cela va du cercueil blanc cassé aux paysages imprimés sur le bois. On peut vraiment personnaliser jusqu’au moindre détail. Les familles cherchent à rendre hommage à leurs proches de façon plus personnelle. » Les cercueils deviennent ainsi des supports de mémoire, où l’on peut graver un dernier message, une photo, ou même un paysage symbolique.

UN SECTEUR QUI NE CONNAÎT PAS LA CRISE

Dans un secteur où la demande est, malheureuse[1]ment, stable, Funico se maintient sur une trajectoire solide. « Il y a environ 109 000 décès par an en Belgique, ce qui nous assure une activité constante, » constate Stijn Defever, d’un ton pragmatique. « Nous avons toujours besoin de personnel », ajoute-t-il, mentionnant les deux recruteuses à plein-temps qui s’occupent de cette tâche au sein de l’usine. En chiffres : Funico pro[1]duit environ 150 000 cercueils par an, dont 58 000 pour la Belgique, 40 000 pour la France, et environ 40 000 pour les Pays-Bas, tout en exportant également vers des destinations comme la Suisse, le Bénin et les DOM-TOM, principalement la Guadeloupe, la Martinique et Tahiti. Mais malgré ces débouchés internationaux, l’entreprise reste avant tout centrée sur son marché belge, jugé prioritaire.