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Rencontre avec le conservateur du cimetière du Père-Lachaise.

Né un jour d’Halloween au sein d’une famille de marbriers funéraires, Benoît Gallot s’est tourné vers des études de droit avant que « le destin » ne le ramène finalement vivre au cœur du cimetière le plus visité du monde. Rencontre avec le conservateur du cimetière du Père-Lachaise.

« Je suis né le 31 octobre 1981, dans une famille de marbriers funéraires. Cela fait souvent rire les gens, mais la veille de la Toussaint n’est vraiment pas le bon moment pour naître dans une famille où c’est le pic d’activité », sourit Benoît Gallot, conservateur du cimetière du Père-Lachaise, au moment de se présenter. L’anecdote est digne d’un début de conte de fée où le protagoniste vécut heureux… au milieu d’un cimetière (évidemment).

« C’est mon arrière-grand-père qui a créé la Marbrerie Gallot, à Bray-sur-Seine, reprise par la suite par mes grands-parents puis mes parents en 1990. J’ai grandi dans une entreprise funéraire, puisque la boutique était dans le même bâtiment que notre maison. Il y avait des tombes dans mon jardin, un partie était dédiée au showroom. J’ai grandi dans ce milieu où mes parents parlaient de cimetières et d’enterrements ; ado, j’aidais mes parents à la Toussaint… J’ai baigné là-dedans sans en être traumatisé et sans développer une quelconque passion pour les cimetières. Pour moi, c’était un métier comme un autre. »

DES ÉTUDES DE DROIT

Mais un métier qui ne l’intéressait pas particulièrement. « Je n’ai pas repris les rênes de l’entreprise familiale, j’ai passé mon bac puis j’ai suivi des études de droit à Paris. Je ne savais pas quoi faire de la vie, mais le droit mène à tout, la preuve (rires). » Après deux années en tant que juriste en entreprise sur le droit d’auteur dans l’audiovisuel, il décide de passer le concours pour travailler à la Ville de Paris, qu’il réussit.

« Le premier poste qu’on me propose alors, avec beaucoup de pincettes et un peu de gêne – en me disant que le poste est passionnant mais que peu de candidats souhaitent y aller – était celui de juriste au service des cimetières. Évidemment, j’ai appelé directement mes parents en leur disant ‘Vous ne devinerez jamais’(rires). »

Après quatre années au service juridique des vingt cimetières parisiens (dont le bureau est au Père-Lachaise), il prend ensuite les rênes du cimetière parisien d’Ivry, situé sur la commune d’Ivry-sur-Seine dans le Val-de-Marne, pendant 8 ans, avant de revenir au cimetière du Père-Lachaise le 1er août 2018 au poste de conservateur. « Je ne crois pas au destin, mais ça m’a un peu bousculé dans mes croyances.  Jamais je n’aurais planifié venir travailler au Père-Lachaise. »

Aujourd’hui, il vit sur place, rue du repos. « Quand je dis que j’habite au Père-Lachaise, les gens pensent qu’il y a des zombies, des vampires… Ça leur fait souvent peur, alors que c’est l’endroit le plus calme de Paris. »

« UN MÉTIER PASSION »

Mais comment gère-t-on un cimetière d’une telle ampleur, où les familles endeuillées et les vagues de touristes se succèdent toute l’année ?

« C’est un métier passion, un métier stimulant et difficile à décrire car je gère le cimetière sous toutes ses facettes. » Et si Père-Lachaise est le cimetière le plus visité du monde, il reste avant tout un cimetière à part entière qui accueille chaque année près de 10 000 cérémonies funéraires ; 150 cérémonies commémoratives, 130 dispersions au Jardin des dispersions, 6000 crémations (c’est le seul crématorium de Paris), 650 inhumations d’urne au columbarium, 1000 inhumations en terrain ; ainsi que 1600 opérations de travaux funéraires. Depuis les années 70-80, les Parisiens ont de plus en plus recours au crématorium. Il y a aujourd’hui 26 600 cases de columbarium.

« Quand je dis que j’habite au Père-Lachaise, les gens pensent qu’il y a des zombies, des vampires… Ça leur fait souvent peur, alors que c’est l’endroit le plus calme de Paris. » Benoît Gallot, conservateur du Père-Lachaise

« Au total, ce ne sont pas moins de 2850 défunts qui rejoignent chaque année le Père-Lachaise. Il y a beaucoup d’idées reçues sur ce cimetière, beaucoup pensent qu’il n’y a plus de place et qu’on ne peut plus s’y faire enterrer ou bien que c’est réservé aux VIP. Alors qu’en six ans, j’ai dû vendre près de 600 terrains et seules 15 à 20 personnalités très connues du grand public y ont été enterrées. Pour s’y faire enterrer, il faut être domicilié à Paris ; sauf si votre famille a déjà une concession, alors vous pouvez y inhumer qui vous voulez… Mon quotidien est de recevoir des Parisiens lambda. »

PAS UN MUSÉE À CIEL OUVERT

« Le cimetière n’est pas un musée à ciel ouvert figé dans le temps où il ne s’y passe rien, bien au contraire, précise Benoît Gallot. Ma priorité, c’est que ça reste un cimetière où il y a des enterrements, où on vend des concessions, où les familles peuvent faire leur deuil et organiser des cérémonies.. C’est le vraiment le cœur de mon métier. Mon rôle est de gérer les équipes, répartir le travail, gérer le domanial mais aussi les relations avec les familles, les problèmes contentieux - comme des tombes endommagées par des racines – ou techniques ».

Une centaine de terrains par an sont vendus, avec la question primordiale de ne pas dénaturer les lieux.  « Le site date de 1804, il vit et il faut l’entretenir, mais aussi le faire évoluer tout en respectant son côté pittoresque qui fait son charme. Il n’y a pas deux Père-Lachaise. »

80 PERSONNES TRAVAILLENT AU PÈRE-LACHAISE

En tout, ce ne sont pas moins de 80 personnes qui travaillent au Père-Lachaise. Soit 33 agents d’accueil et de surveillance 7j/7 – dont 4 travaillent dans les 4 cimetières annexes (Belleville, Bercy, Charonne et La Vilette) ; 20 agents chargés de l’entretien général des 43 hectares du cimetière ; 8 agents administratifs qui assurent la gestion des 3000 opérations funéraires et la gestion administrative de 70000 tombes et 26 600 cases de columbarium ; 8 fossoyeurs chargés de reprendre les concessions échues ou abandonnées dans les 9 cimetières gérés par les conservations des cimetières du Père-Lachaise pour permettre l’attribution de terrains à de nouvelles familles ; 2 agents chargés du suivi et du contrôle des 1 600 opérations de travaux menées chaque année par les entreprises de marberie funéraire et 5 jardiniers chargés de l’entretien horticole et des plantations dans plusieurs cimetières parisiens dont celui du Père-Lachaise.