Comment faire en sorte de devenir donneur d’organes à votre mort ? Et bien, en Belgique, votre silence est déjà suffisant. Mais vous pouvez également le déclarer explicitement tout comme exprimer votre refus. On vous explique.
À l’échelle mondiale, deux systèmes régissent le don d’organes post-mortem : l’« opt-in » et l’« opt-out ». Dans les pays adoptant le système « opt-in », une inscription volontaire sur un registre est nécessaire pour devenir donneur. À l’inverse, dans les pays fonctionnant selon le principe de l’« opt-out », comme la Belgique, chaque individu est considéré comme donneur par défaut, à moins d’avoir exprimé son refus. En d’autres termes, en Belgique, et ce depuis le 13 juin 1986, toute personne domiciliée sur le territoire ou enregistrée au registre des étrangers depuis au moins six mois est automatiquement donneuse, sauf opposition explicite, explique Nicolas Franquet, médecin coordinateur de la cellule locale de dons d’organes à l’hôpital de la Citadelle, à Liège. – « Qui ne dit mot, consent ».
La Belgique, pionnière dans la lutte pour le don d’organes
L’objectif de ce système est de faciliter l’accès aux greffes. En effet, la demande d’organes est bien plus élevée que l’offre disponible, et de nombreux patients restent sur liste d’attente. Le législateur belge a donc voulu simplifier les procédures afin d’augmenter le nombre de donneurs potentiels. À noter que l’identité du donneur ainsi que celle du receveur demeurent toujours confidentielles : personne ne peut transmettre l’origine d’un organe ni identifier son destinataire.
Depuis le 1er janvier 2020, chacun peut exprimer clairement sa volonté concernant le don de matériel corporel humain après son décès en prenant position sur 4 décisions.
Résultat : selon le dernier rapport du SPF Santé publique, sorti en février dernier, la Belgique affiche désormais le plus grand nombre de donneurs par million d’habitants au sein des pays d’Eurotransplant, l’organisation qui chapeaute les transplantations d’organes en Belgique, en Allemagne, en Hongrie, en Croatie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Autriche et en Slovénie. « En matière de lois éthiques et de libertés en général, comme le droit à l’euthanasie, je trouve que la Belgique est vraiment à l’avance », commente l’anesthésiste-intensiviste
« En 2024, le nombre de décès sur la liste d’attente pour les greffes d’organes a diminué de 7,5 %, tandis que le nombre de transplantations réalisées a augmenté de 8,5 % par rapport à l’année précédente », indique l’étude du SPF Santé publique. Ainsi, 371 personnes ont fait don d’au moins un organe après leur mort, dont 13 après une euthanasie.
Un choix personnel
Malgré cette présomption de consentement, le choix de donner ses organes après sa mort reste un sujet profondément personnel et parfois sensible.
Le contexte religieux, philosophique, éthique ou familial peut influencer la décision de chacun. Certains considèrent qu’il s’agit là d’un « dernier grand geste » pour aider autrui, tandis que d’autres, pour des raisons variées, ne veulent pas que leur corps soit touché après le décès.
Dans la pratique, la législation belge laisse évidemment la liberté à tout un chacun de se positionner clairement : donner ou ne pas donner ses organes.
Comment exprimer son choix ?
En pratique, si vous souhaitez refuser ou confirmer le don de vos organes, trois options s’offrent à vous : enregistrer votre déclaration à l’administration communale, (et depuis le 1er juillet 2020) demander à votre médecin traitant de le faire ou effectuer la démarche en ligne sur www.masanté.be avec un lecteur de carte d’identité ou l’application itsme. Bref, difficile de faire plus simple.
Concrètement, chacun peut exprimer clairement sa volonté concernant le don de matériel corporel humain après son décès en prenant position sur quatre décisions : le don d’organes pour la transplantation, le don de matériel corporel humain pour la transplantation, le don de matériel corporel humain pour la fabrication de médicaments et le don de matériel corporel humain pour la recherche. Cette démarche est gratuite et modifiable à tout moment.
Malgré la présomption de consentement, la famille reste généralement consultée par l’équipe médicale au moment du décès - même si dans les faits, la loi ne l’oblige pas. « Tout dépend de l’établissement, indique notre expert. Dans les hôpitaux en région liégeoise, si le défunt n’a pas émis sa volonté et que sa famille s’y oppose de manière stricte, on n’ira pas à l’encontre de la famille, par respect pour celle-ci. »
Le fait de s’enregistrer explicitement comme donneur comporte donc aussi cet avantage : en cas de décès, les proches sont ainsi rassurés de savoir que la décision part d’une volonté claire et non d’une simple présomption légale. Mieux vaut d’ailleurs en parler au préalable.
Les craintes des familles...
Le don d’organes peut parfois susciter des craintes chez les familles endeuillées, indique notre expert. L’une des préoccupations majeures réside dans le fait que « les organes de la personne chère existent à travers une autre personne ». Une idée qui peut être un soulagement mais aussi une source de malaise chez certains. « Ça permet de transformer quelque chose d’extrêmement douloureux, c’est-à-dire la mort, en quelque chose qui peut quand même avoir un sens et être utile », explique un spécialiste.
Une autre crainte récurrente concerne l’état du corps après le prélèvement. Certains redoutent que le corps soit abîmé ou qu’il ne soit pas traité avec respect. Mais, le médecin insiste : « Les chirurgiens qui effectuent le prélèvement, que ce soit la chirurgie de prélèvement d’organes ou de tissus, ont vraiment un grand respect du corps ». De plus, des techniques spécifiques sont mises en place pour assurer un rendu digne du défunt : « Un effort important est réalisé pour que le corps soit le plus présentable possible une fois que le prélèvement a été effectué. »
Enfin, le corps est rendu à la famille très rapidement, souvent dans quelques heures à un jour ou deux maximum dans certains cas particuliers, ce qui ne retarde pas significativement les funérailles, rassure Nicolas Franquet.
...Et du donneur
Pour le donneur, la crainte est parfois tout autre : « En cas d’accord pour un don d’organes, le médecin fera-t-il quand même tout son possible pour me sauver ? » Rassurez-vous, oui. Selon l’article 11 de la loi sur le prélèvement et la transplantation d’organes, le décès du donneur doit être attesté par trois médecins indépendants de l’équipe chargée de la transplantation ou du prélèvement. Ils s’appuient sur les connaissances médicales les plus récentes pour établir leur diagnostic. L’heure et la méthode de constatation du décès sont consignées dans un procès-verbal daté et signé, conservé pendant dix ans.
Pour rappel, la vente d’organes et de tissus est interdite, quel que soit le bénéficiaire.
Quels sont les organes prélevés ?
Les organes principaux prélevés pour la transplantation incluent le cœur, les poumons, le foie, les reins, le pancréas et les intestins. En ce qui concerne les tissus, la gamme est très variée et peut inclure la peau, les tendons, les os, les cornées, les valves cardiaques, les vaisseaux sanguins, et d’autres cellules et tissus du corps. Ce large éventail permet de répondre à divers besoins médicaux et pharmaceutiques et de contribuer significativement à améliorer la qualité de vie des patients bénéficiaires.
À noter qu’il existe deux types de prélèvements pour les transplantations : les donneurs à cœur battant, qui sont ceux en état de mort cérébrale et dont tous les organes et tissus peuvent être prélevés, et les donneurs à cœur non battant, qui surviennent après un arrêt cardio-vasculaire ou un échec de réanimation. Seuls les reins, les foies, les pancréas, les poumons et les tissus sont principalement prélevés dans ce cas.
Pour rappel, être donneur d’organes, c’est sauver des vies : un donneur peut sauver jusqu’à 8 personnes.
Légende photo (18) : La Belgique figure parmi les meilleurs élèves du réseau Eurotransplant.
« Il n’y a pas d’âge pour être donneur d’organes »
Si des critères médicaux sont pris en compte au moment du prélèvement, l’âge du donneur, en revanche, n’est pas une limite stricte, tant que les organes sont en bon état, indique Nicolas Franquet. « Certains se disent qu’ils sont trop âgés pour s’enregistrer comme donneur et que leurs organes ne pourraient de tout de manière ne pas être prélevés, mais pas du tout ! En 2023, la personne la plus âgée prélevée en Belgique avait d’ailleurs 93 ans. N’importe qui peut manifester son désir de devenir donneur. »
Caroline Beauvois