 
  
 
La Toussaint remet chaque année les morts au centre. Mais rarement celles – bien vivantes – qui les accompagnent au quotidien. Ce supplément donne la parole à ces femmes qui veillent, préparent, enterrent et réparent. Médecin légiste, agentes et entrepreneures funéraires, fleuriste du deuil, thanatopractrices ou tailleuse de pierre… L’occasion de rappeler que la mort, elle aussi, se conjugue au féminin.
Depuis toujours, les femmes veillent, lavent, pansent, inhument, prient, habillent les défunts. Elles accompagnent, elles ferment les yeux, elles pleurent – les leurs et ceux des autres. Discrètes, silencieuses… Invisibles ? Plutôt invisibilisées. Car dans l’imaginaire collectif, la mort a longtemps eu un visage masculin : celui du fossoyeur, du thanatopracteur, du croque-mort. Une affaire sérieuse, donc une affaire d’hommes. Mais aujourd’hui, les femmes sont bien présentes dans le secteur, et même de plus en plus nombreuses.
Alors, si pour une fois, on leur donnait la parole, à elles ? Ici, pas de contrechamp masculin pour « équilibrer ». Non, juste des femmes, que des femmes.
L’occasion de mettre en avant celles qui œuvrent chaque jour dans les coulisses du dernier voyage. Celles qu’on ne voit pas, qu’on écoute trop peu, et qui pourtant connaissent mieux que quiconque la vie… au contact de la mort.
Nous sommes allés à leur rencontre. À Bruxelles, Namur, Andenne, Tournai, Liège… Dans les sous-sols d’un institut médico-légal, dans des ateliers de taille de pierre et de fleurs artificielles ou encore dans la chambre froide d’un funérarium.
Des pleureuses aux professionnelles du funéraire
Pour comprendre la place des femmes face à la mort aujourd’hui, il faut remonter plusieurs siècles en arrière, comme l’explique l’anthropologue Chris Paulis. Pleureuses, laveuses de morts, gardiennes de rituels… puis, peu à peu, écartées au profit d’un appareil médical, industriel, masculinisé. Mais aujourd’hui, elles reviennent en nombre, par conviction, par vocation.
Un engagement permanent
À l’Institut médico-légal des cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles, Jessica Vanhaebost, médecin légiste, et Mélanie Rouet, technicienne médico-légale, nous ouvrent les portes de leur quotidien. Rien à voir avec les clichés de séries télé. Ici, il s’agit de rigueur scientifique, d’empathie, de précision chirurgicale et d’une capacité hors norme à gérer l’horreur sans perdre son humanité ni sa bonne humeur. « On apprend à compartimenter, c’est vital pour continuer dans ce métier », confie la médecin légiste.
Au sud, du côté de Namur, Armony Smal et Bérénice Colinet incarnent une autre facette du funéraire : celle de l’accompagnement des familles, de la logistique discrète, mais essentielle, de chaque adieu. Entrepreneur de pompes funèbres, Armony forme également les nouvelles générations, majoritairement féminines – une petite révolution silencieuse dans le secteur qui se confirme au fil des ans.
À Tournai, rencontre aussi avec Aurore Fourmeaux à la tête de son centre funéraire. Pour elle, pas de vacances, sa vie est dédiée aux familles endeuillées.
Et puis il y a celles qui façonnent l’après. Stéphanie Boveroux, par exemple, qui propose des compositions de fleurs artificielles, destinées aux fleuristes et entreprises de pompes funèbres, du côté de Liège. À Andenne, Bénédicte Barbiaux, tailleuse de pierre, crée et restaure des monuments funéraires avec son équipe.
Enfin, il y a le corps. Celui qu’on prépare, qu’on restaure, qu’on rend présentable aux yeux des proches. Jessica Pereira nous explique son travail de thanatopractrice, loin des idées reçues.
Ce supplément donne à voir ce que l’on ne connait que trop peu : des métiers souvent méconnus, parfois stigmatisés, mais toujours essentiels. Alors, cette fois, on tend le micro aux femmes. Parce que la mort, oui, c’est aussi leur affaire. Tout simplement.
Caroline Beauvois