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Comment parler de sa mort à ses proches

La mort reste un sujet souvent tabou dans nos sociétés. Pourtant, en parler avec ses proches permet non seulement d’anticiper certains aspects pratiques, mais aussi de les aider à amorcer un travail de prédeuil.

Parler de la mort, de la sienne ou de celle d’un proche reste un sujet délicat. Lorsqu’un membre de la famille tente de l’évoquer, le premier réflexe est souvent l’évitement. « Non, on ne parle pas de ça. » Mais derrière cette opposition se cache avant tout un attachement profond, rappelle Amélie Javaux, psychologue clinicienne spécialisée dans le deuil et fondatrice de la clinique du deuil au CHR de la Citadelle à Liège. « Ce refus traduit l’amour, l’envie que l’autre reste encore auprès de nous. Ce ‘non’ défensif signifie souvent : ‘Je tiens à toi et je ne veux pas envisager un monde sans toi’. »

La manière dont on aborde la mort est largement influencée par notre culture et notre éducation. « Certaines familles parlent plus facilement des sujets difficiles que d’autres, observe la psychologue. Si, dans une famille, la mort est un tabou, il sera compliqué de l’aborder le moment venu. » Il est donc important d’adapter le dialogue en fonction des sensibilités de chacun - quitte à simplement reporter la discussion à plus tard ou proposer de laisser une lettre si la personne en face se ferme complètement à la discussion.

Le prédeuil, une étape bénéfique

Aborder sa propre mort et organiser ses obsèques en amont, lorsqu’elle n’est pas annoncée, permet d’alléger la charge financière et organisationnelle pour les proches, explique la psychologue. « La charge émotionnelle est moins présente car la mort n’est pas prévue. On en parle, mais elle est encore loin. »

Lorsque la fin de vie est annoncée, les émotions se font davantage ressentir. « C’est important de se préparer à la perte d’un être aimé. Le prédeuil, c’est rester présent auprès du vivant tout en se préparant à son départ. »

Avoir l’opportunité d’échanger, d’exprimer ses émotions ou de demander pardon, de se dire au revoir, ou de profiter encore tant que c’est possible pour ne rien regretter peut faciliter le travail de deuil. « Le prédeuil est bénéfique, surtout pour surmonter la première étape du deuil, celle du choc - puisqu’on a pu s’y préparer, d’une certaine manière. » Cela peut également permettre de lever certains non-dits et d’apaiser des tensions familiales.

« Lorsqu’un décès survient brutalement, il se peut que les vivants restent avec des regrets, des choses que l’on aurait aimé dire, des différends que l’on aurait voulu résoudre… En anticipant ces moments, on peut alléger la douleur à venir, souligne la psychologue. Néanmoins, il y a aura toujours une part d’imprévisibilité dans la maladie et la mort. »

Transmettre ses volontés, sans imposer un fardeau

L’individu exprime parfois des souhaits sur le devenir de son corps après sa mort. Comment évoquer ses dernières volontés sans peser sur sa famille ? « Il peut être utile d’anticiper les aspects financiers (en préparant une enveloppe ou une assurance obsèques), pour alléger la charge mentale des proches, informe la psychologue. Parler uniquement des aspects pratiques permet de tenir les émotions à distance dans un premier temps. »

« C’est important de se préparer à la perte d’un être aimé. Le prédeuil, c’est rester présent auprès du vivant tout en se préparant à son départ. »

Les rituels (funérailles et soin du corps) appartiennent aux endeuillés, selon la psychologue. « C’est eux qui vont devoir traverser la séparation et vivre l’absence. Un conflit moral peut alors s’installer dans la tête des endeuillés : ‘il voulait faire don de son corps, mais j’ai refusé qu’on me retire son corps, c’était inenvisageable pour moi’. Discuter de ses souhaits en amont, que ce soit le choix de l’enterrement ou de l’incinération ou encore du don d’organes ou du don de corps à la science, permet d’offrir du temps aux proches pour se faire à l’idée du devenir du corps et donc de s’y préparer psychologiquement ». Le fait de parler de ses volontés à l’avance permet aussi de prévenir d’éventuels conflits familiaux.

Entre déni et maîtrise : des réactions variées face à la mort

Face à sa propre mort, les attitudes varient. Certains patients en soins palliatifs refusent d’admettre la fin proche, s’accrochant à l’espoir jusqu’au bout, analyse l’experte. « On ne peut pas forcer quelqu’un à affronter l’idée de sa mort. Les patients en fin de vie mettent en place des mécanismes de défense pour traverser l’angoisse de la mort », insiste Amélie Javaux.

« Les proches ou le personnel médical voudraient parfois que la personne en fin de vie accepte la réalité et se prépare. Mais chacun vit cette étape à sa manière, et il faut respecter cela. Maintenir un espoir, même illusoire, peut être une stratégie psychologique qui aide certains à tenir jusqu’au bout, explique la psychologue. Tuer l’espoir, c’est amener le patient dans le désespoir : c’est comme le tuer psychiquement une première fois, quelque part. »

À l’inverse, d’autres cherchent à tout organiser, de la cérémonie à la musique qui sera jouée à leurs funérailles. « C’est une manière de conserver un certain contrôle, une protection face à l’angoisse de la fin. »

« De manière générale, avant même que la maladie ne s’invite, parler de la mort reste une démarche bénéfique, même si elle est difficile. Les familles où la communication est ouverte traversent souvent le deuil avec plus de sérénité. »

La mort fait partie de la vie, elle nous concerne tous. Pour pouvoir en parler sereinement, avec une charge émotionnelle moins importante, le mieux est de le faire lorsqu’on n’est pas encore concerné par celle-ci. Ouvrir la discussion, poser des mots sur l’indicible, c’est avant tout un moyen de se préparer et d’apaiser ceux qui restent.

Suite à un décès, beaucoup de personnes regrettent de ne pas avoir eu l’occasion de dire plus de choses ou de mieux comprendre les volontés du défunt. Parler de la mort ne la fait pas arriver plus vite, mais permet d’aborder la suite avec plus de sérénité.

« Papy va mourir » : comment le dire aux enfants?

Faut-il évoquer la mort prochaine d’un proche avec un enfant et, si oui, comment faire ? Doit-on l’obliger à dire au revoir ?

Lorsqu’un enfant est confronté à la maladie grave d’un proche, il est important de l’accompagner en douceur, selon son âge et les circonstances. « On commence par lui expliquer la maladie, puis, au fil de l’évolution, on l’aide à comprendre que les médicaments ne sont plus efficaces et que la mort approche. Il faut pouvoir l’annoncer en plusieurs temps, par étapes, en avançant au fur et à mesure du réel », conseille Amélie Javaux. Cela lui permet de faire son « prédeuil », de poser des questions et peut-être même de faire des choix – voir ou non la personne une dernière fois - de s’y préparer, tout simplement. « L’enfant souhaite généralement rendre visite jusqu’au bout. Parfois, il ne préfère pas. Les deux sont OK, à partir du moment où la décision vient de l’enfant et pas du parent. Lorsque l’enfant dit ne pas vouloir venir pour garder une bonne image, on se demande parfois si ce n’est pas une idée que l’adulte lui aurait mis en tête. L’imaginaire de l’enfant peut alors prendre le relais : quelle est cette image terrible de papy qu’on a voulu m’éviter ? Cela vaut la peine d’explorer les raisons du refus de l’enfant afin de ne pas le laisser seul avec ses peurs et son imaginaire. »

Il est essentiel de respecter aussi leurs mécanismes de défense, car ils permettent à nouveau de se protéger d’une angoisse trop forte. L’important est d’avoir donné une information claire, tout en acceptant que l’enfant réagisse à sa manière, même en faisant comme si la mort n’allait pas survenir. « Il faut pouvoir assurer à l’enfant qu’il a le droit de parler de la mort, d’exprimer ses émotions et ses craintes, sans tabou et ne pas hésiter à montrer que nous aussi, adultes, nous sommes affectés. »

Ne pas forcer la discussion

Mais doit-on aborder le sujet quand aucun décès n’est imminent ? « Si un enfant s’interroge sur la mort, il est préférable de répondre simplement, sans dramatiser, explique la psychologue. On peut par exemple expliquer que tous les êtres vivants ont une durée de vie et que cela fait partie du cycle naturel. » Parfois, une simple observation – un animal mort dans le jardin, une feuille tombée d’un arbre – peut être l’occasion d’introduire doucement cette réalité. « À chaque âge son lot de questions, il y a un moment de son développement où l’enfant associe par exemple la mort à la vieillesse, ça le rassure. »

En revanche, forcer une discussion quand l’enfant ne pose pas de questions n’est pas nécessaire. « On ne va pas s’asseoir face à lui pour lui dire de but en blanc : ‘Sache qu’on va tous mourir un jour’ », illustre Amélie Javaux. L’essentiel est de respecter le rythme de l’enfant, son développement et de répondre à ses interrogations sans détourner le sujet ni l’alourdir de détails angoissants.

Légende photo : Évitez les expressions comme « il est parti » ou « il s’est endormi », mais privilégiez des mots simples comme « il est mort » et « il est décédé ».

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