Tiraillés entre l’envie de protéger et le besoin d’informer, parler de la mort aux enfants est un défi pour de nombreux parents. Mais il est essentiel de répondre aux questions des plus jeunes avec des mots simples, concrets et adaptés à leur âge.
Faut-il parler de la mort aux enfants ? La question ne se pose plus », insiste d’emblée Amélie Javaux, psychologue spécialiste du deuil, qui a mis en place la clinique du deuil au CHR de la Citadelle, à Liège. Face à une perte, il est essentiel de ne pas les laisser dans l’ignorance. « Il faut répondre aux questions des enfants. Leur dire la vérité, mais de manière adaptée à leur âge, affirme-t-elle. En cachant la vérité, on altère le lien de confiance avec l’adulte. »
L’IMPORTANCE DES BONS MOTS
Les enfants commencent à poser des questions sur la mort dès l’âge de 4-5 ans, explique la psychologue. Mais cela ne signifie pas qu’ils comprennent la dimension irréversible de la mort. « La notion d’irréversibilité, soit l’idée que la mort est définitive, apparaît généralement autour de 7 ans. » Avant cela, les enfants peuvent concevoir la mort comme temporaire, renforcés par les métaphores que les adultes emploieront devant lui. « On a tendance à dire qu’un proche ‘est parti’ ou ‘s’est endormi’. Mais ces expressions sont à éviter. Pour un enfant, dormir signifie se réveiller ; partir implique un retour. Il faut utiliser des mots simples et concrets, comme ‘mort’ ou ‘décédé’» Le choix des mots a en effet toute son importance. « Il est préférable de dire simplement : ‘Mamie est morte.’ Bien sûr, cela peut paraître brutal pour les adultes, mais pour l’enfant, c’est beaucoup plus clair et compréhensible. » « Plus l’information est simple et concrète, moins l’enfant se crée d’histoires anxiogènes dans sa tête. Il faut lui permettre de saisir ce qu’il se passe avec des mots justes. » Parler de la mort soulève inévitablement la question de ce qu’il advient des défunts. Et il est important de distinguer les faits des croyances, dit-elle. « Je dis souvent aux enfants (comme aux adultes) que je ne sais pas où vont les morts, ni s’ils vivent une autre vie ailleurs. Mais je leur dis que ce dont je suis certaine, c’est qu’ils gardent une place dans nos souvenirs et dans nos cœurs. » Et d’ajouter : « Les images symboliques comme ‘Papy est devenu une étoile’ peuvent créer une confusion. Les croyances aident à supporter la mort, et non des réalités physiques. Nous pouvons leur dire : ‘Moi, j’ai besoin de croire que Papy est quelque part, heureux, ou qu’il est peut-être devenu une étoile’ ». Cela permet à l’enfant de construire ses propres croyances, avec l’accompagnement de ses parents.
EXPLIQUER LES RITUELS
Le rituel funéraire peut aussi sembler déroutant pour les plus jeunes. « Expliquer ce que l’enfant va voir et vivre est essentiel, insiste Amélie Javaux. Par exemple : ‘On a mis le corps de mamie dans une boîte en bois appelée cercueil. On va enterrer le cercueil avec le corps de Mamie dans le cimetière, et on pourra venir lui rendre visite quand on le souhaitera’.» La crémation, bien qu’impressionnante pour les enfants, peut aussi être expliquée de manière simple. « On peut leur dire : ‘Le cercueil avec le corps de Mamie vont être transformés en cendres qui seront ensuite mises dans une petite boîte, appelée urne.’ Parfois, les enfants s’imaginent leur proche souffrir dans le feu. Il faut leur expliquer qu’une personne morte ne ressent plus rien, le ni chaud, ni le froid, ni la douleur. » Le rituel, qu’il s’agisse d’une inhumation ou d’une crémation, aide à Comment parler de la mort aux enfants symboliser le passage et à donner du sens à ce qui est vécu. « Préparer un texte, choisir une musique, réaliser un dessin permet de dire au revoir et merci à la personne décédée, ce qui est un moment important, même pour un jeune enfant, ajoute Amélie Javaux. Cela permet également de visualiser et donc de mieux se représenter la mort comme étant réel. »
NE PAS CACHER VOTRE TRISTESSE
« Il ne faut pas avoir peur de montrer ses émotions aux enfants, rappelle la psychologue. Pleurer devant eux est non seulement naturel, mais aussi bénéfique. Cela leur montre qu’ils ne sont pas seuls dans leur tristesse. Si l’enfant voit que ses parents pleurent aussi, cela valide ses propres émotions et diminue son sentiment de solitude. » La psychologue insiste sur l’importance d’être transparent avec les enfants, même lorsqu’on ne sait pas comment répondre à leurs questions. « Dire ‘je ne sais pas’ ou ‘cela me touche beaucoup, laisse-moi réfléchir avant de te répondre’ est une manière d’instaurer un dialogue honnête tout en montrant que les émotions, même les plus difficiles, sont gérables. Et si elles ne le sont pas, on peut dire que c’est trop douloureux pour le moment et préciser que l’autre parent ou un autre adulte y répondra à notre place. »
LE BESOIN DE RITUELS, MÊME MODERNES
Si les rituels se sont modernisés avec le temps, ceux-ci gardent toute leur importance. « Aujourd’hui, on peut honorer un défunt de multiples manières. » Et les enfants, comme les adultes, peuvent créer leurs propres rituels. « Un enfant pourrait peindre des pierres avec le nom de la personne décédée, ou encore dessiner et enterrer un dessin dans le jardin, suggère la psychologue. L’essentiel, c’est de trouver un moyen de matérialiser l’absence, de symboliser le lien qui continue à exister malgré la mort. »