Nos dossiers & Partenaires

La guide Juliette Dubois propose des ciné-balades aux quatre coins de Paris, dont une au cimetière du Père-Lachaise.

Ça ne vous surprendra peut-être pas outre mesure, mais l’incontournable Père-Lachaise accueille de nombreux tournages de films et de séries télévisées. Dernièrement, le cimetière a d’ailleurs été utilisé dans la série Netflix Lupin, pour la mise en scène des obsèques du célèbre gentleman cambrioleur ; même l’héroïne d’Emily in Paris s’y aventure avec Luc, s’arrêtant devant la tombe d’Honoré de Balzac le temps de quelques plans, dans la seconde saison. Mais le cimetière n’aura pas attendu la venue des plateformes de streaming pour devenir un décor privilégié par le 7e art.

Pour découvrir cet autre aspect du Père-Lachaise, rendez-vous avec la guide Juliette Dubois, diplômée d’histoire du cinéma et créatrice qui propose des ciné-balades depuis 12 ans, à travers Paris.

« Que ce soit via des films, un genre, un cinéaste… Le cinéma permet de parler d’un lieu. Ici, l’idée est de redécouvrir notre patrimoine historique à travers le regard d’un cinéaste. »

HISTOIRE, ANECDOTES...

Évidemment, pas question pour elle de parler du Père-Lachaise sans expliquer son fonctionnement et son histoire. « Ça fait partie de la visite, mais lorsqu’on arrive au crématorium j’introduis par exemple François Truffaut et son film Jules et Jim (1961). C’est le tout premier film tourné au Père-Lachaise qui montre en détail - sans être trop direct - le processus de l’incinération. On y montre le cercueil qui entre dans le four, le transfert des cendres, le dépôt au crématorium. C’est d’autant plus intéressant qu’ils ont montré ça une année avant que cela soit autorisé par l’Église catholique. Il représente la Nouvelle Vague ; Truffaut voulait montrer les choses telles qu’elles sont et non pas sous une forme de pudeur qui pourrait être hypocrite. »

« Jules et Jim (1961). C’est le tout premier film tourné au Père-Lachaise qui montre en détail, mais sans être trop direct, le processus de l’incinération au crématorium. » Juliette Dubois, guide

Plus tard, elle s’arrête également devant la tombe d’Oscar Wilde, le décor qui a inspiré le cours métrage de Paris, je t’aime de Wes Craven. « Ça permet de s’arrêter aussi sur cette sépulture, œuvre hommage imaginée par Jacob Epstein, qui a fait scandale à cause de la générosité de l’appareil génital du sphinx… » Représenter un ange nu avec un sexe était plutôt osé à l’époque.

« La statue a été bâchée le temps de calmer les esprits. » Depuis, l’ange a été émasculé. « On raconte que deux Anglaises les auraient brisées à coups de parapluies. On dit aussi que c’est devenu le presse-papiers des conservateurs qui se sont succédé (sourire). » À son arrivée à ce poste, Benoît Gallot l’a cherché en vain, ironise-t-il dans son livre La vie secrète d’un cimetière. La balade guidée dure un peu moins de trois heures et est agrémentée d’extraits de film qu’elle présente sur sa tablette. De Sarah Bernhardt à Anna Karina, c’est également l’occasion de rendre hommage à quelques grandes actrices et de découvrir quelques-unes des tombes les plus visitées, mais aussi filmées, tout en parcourant l’Histoire du cinéma, les techniques, les métiers, l’envers du décor et des anecdotes sur les films et le lieu.

On y retrouve d’ailleurs les tombes de nombreux cinéphiles d’un autre temps tels que Georges Méliès, Sarah Bernhardt, Michel Legrand, Anna Karina ou encore Simone Signoret.

https://www. cine-balade.com/

« LES TOURNAGES DE COURSES-POURSUITES Y SONT INTERDITS, PAR RESPECT POUR LES DÉFUNTS »

Ça a fait partie de son métier multifonctions. Benoît Gallot organise aussi les tournages au cimetière ; il fait des repérages avec les réalisateurs, accepte ou non les demandes de tournage. « Il faut pouvoir concilier : ils veulent souvent le columbarium, qui est très beau, et le crématorium, mais on refuse, car il y a de l’activité et des familles toute la journée. On a permis une seule fois à une équipe d’y tourner, mais c’était un jour férié. »

Accepter des équipes de tournage dans un cimetière demande une sacrée préparation. Pas question de fermer les portes du cimetière. « Il faut pouvoir assurer la continuité funéraire ». Un emplacement est régulièrement mis à disposition des équipes, avec une tombe factice. Les tournages sont parfois interrompus le temps d’une cérémonie, priorité aux défunts et à leurs familles.

Sans grande surprise, les scènes filmées au cimetière sont pour la plupart des enterrements. « En

revanche, par respect pour les défunts, les tournages de courses-poursuites ou de scènes avec armes automatiques entre les sépultures sont strictement interdits. Peu de chance donc de voir un James Bond dans les allées du Père-Lachaise », explique le conservateur dans son ouvrage La vie secrète d’un cimetière.

NETFLIX, APPLE TV+, DISNEY +

Les autorisations de tournage sont demandées par des réalisateurs du monde entier. Aujourd’hui, ce sont les plateformes de streaming, aux poches plus profondes, qui en font le plus régulièrement la demande. Après Lupin et Emily in Paris, le Père-Lachaise apparaît également dans la série d’Apple TV+ The New Look sur Christian Dior ; ainsi que dans Oussekine, de Disney+, qui revient sur la mort de Malik Oussekine, battu à mort par des policiers début décembre 1986, et enterré au Père-Lachaise.